Lors de mes recherches “Mix Media Hyper Culture“, je m’interroge souvent sur les définitions données à nos communautés digitales. Évidemment, ici on parle essentiellement du terme “geek”, voire “geekette”, parfois de génération YK2 ou nerd. Dans l’article sur les stétérotypes fem’geek, je suggère des sous-catégories. Et cela illustré par des personnages stéréotypes de séries TV ou films, car malgré mon implication (ou peut-être ‘à cause de’?), je serais bien incapable de parler au nom de toute notre communauté ou de mettre des individus dans des cases immuables. Gok, techie, computer analyst, experte en science, passionnée d’informatique, physicienne, mathématicienne… hacker.
Terme vaste et à mon sens tout à fait idéologique, le hacking et la communauté qui l’accompagne est vaste, mouvante, mais toujours fortement impliquée dans les TIC.
Y sont dédiés deux épisodes des MMHC, s01e01 Hacker’s Space et s01e07 Hackers Life. Ce podcast étant volotairement “pop”, et basé sur mes expériences personnelles, je ne montre évidemment que des micro-facettes du mouvement. D’autres en parlent et agissent au quotidien, c’est le cas de reflet.info, sur lequel l’article “Et si les hackers étaient les plus ouverts d’esprit” m’a interpellée. L‘auteure, Faith, y décrit des attitudes pour appuyer son point de vue: – les hackers ne sont pas intrusifs entre eux lorsqu’il s’agit de questions personnelles – ils se sentent libres de changer d’opinion tant qu’ils l’assument ouvertement – ils jugent les actions et non pas les êtres humains en eux mêmes Tout cela étant visiblement porté par des expériences et constatations intimes, distinguant les “vrais” hackers des “les gens normaux”.
“Est-ce que cela tient aux principes mêmes qui régissent ce milieu?”
Peut-être pour la première fois dans l’histoire humaine, le nivellement d’utilisation d’un outil quotidien et en passe de devenir indispensable, est extrêmement important. Exemple trivial de l’automobile, qui est aussi un outil incontournable de notre société, on n’a pas autant de différences entre un “simple” conducteur automobile et un adepte de tunning qu’entre un simple utilisateur de PC à domicile et un hacker. Il me semble que le fossé est extrêmement large et mène à des catégories, voire des incompréhensions, très vastes. Les gens dits “normaux”, qui dans notre société Française par exemple, sont majoritairement utilisateurs d’ordinateurs (source), sont très très loin des usages qu’en font les hackers, et autres micro-catégories d’hyper-spécialistes en usages numériques. Et qui dit usage, dit quotidien partagé, communautés, références communes, et communication intra-groupe formant des idées qui forcément, à un moment donné, et pour eux, deviennent une norme, voire des lois même si implicites, et donc qui régissent l’ensemble. Pas de surprise donc à ce que les membres du mouvement “hacker” se sentent ou soient perçus comme différents, et comme le note l’un des commentaires, chacun trouve toujours que SA communauté est LA PLUS… (rajoutez ici ce qui vous y a attiré). Cependant, le questionnement concernant l’outil et la façon dont il peut nous mener à des opinions particulières, est passionnante.
BaN, dans les commentaires: “ce que tu décris là n’est amha pas caractérisitique des hackers mais se retouve dans la plupart des communautés web-based en particulier celles qui ont un fonctionnement sans hiérarchie ou horizontal. (…) Je pense sincèrement que c’est uniquement une conséquence des outils de communication et d’organisation utilisés.”
On appelle aussi ergonomie dans les sites web la façon dont est agencée l’information de façon à guider l’utilisateur lors de sa navigation. Dans les grandes surfaces, c’est l’art du rayonnage.
On constate toujours qu’un outil, dans sa forme, guide l’utilisateur. Lancez un débat entre usagers de Facebook et de Twitter pour le constater. Les différentes possibilités de ces services internet mènent (ou attirent?) des comportement totalement différents. Les uns sont bavards et intimistes. Les autres informatifs et spécialisés. L’objet, en lui même, s’accompagne de modes de pensées.
Pour reprendre les arguments de Faith: – les hackers ne sont pas intrusifs entre eux lorsqu’il s’agit de questions personnelles Sur internet, contrairement à la vie de village, il est difficile d’espionner son voisin. Tout le monde le sait lorsqu’il y entre. Avatars, personnalités fictives, quotidien rêvé, l’outil web permet l’anonymat. Dans le cadre d’une communauté qui a fait des barrières techniques à cette intrusion un champ de bataille légitimé par une conscience humaniste, il reste cette dernière “porte” qu’est l’esprit, impénétrable. Le hacker peut pénétrer ta maison, regarder le contenu de ton placard, écouter tes messages répondeurs, mais il ne te demandera pas pourquoi tu es rentré hier à 21h34 au lieu de 19h42 comme tous les jours. – ils se sentent libres de changer d’opinion tant qu’ils l’assument ouvertement En miroir du premier argument, l’esprit doit se montrer. Puisque de toute façon il est admis pour les hackers que le contenu de nos données (voire de nos actes) est public (en tout cas pour eux, s’ils le souhaitent), il s’agit de le dire à haute voix, histoire de prouver qu’on est pas en contradiction ni avec le mouvement, ni avec nos actions, ni avec le contenu de nos tiroirs. Là ce n’est pas seulement face à l’outil, c’est aussi un mode de pensée global, certainement antérieur à l’usage de l’informatique online, mais aussi répandu dans beaucoup de groupes. – ils jugent les actions et non pas les êtres humains en eux mêmes Sujet à débat largement soulevé lors des commentaires, entre les actions et les êtres humains, lorsque cela n’est constaté qu’à travers les réseaux sociaux et d’information, difficile de trancher. Que peut-on savoir de la différence entre l’évènement relaté par un témoin et la personnalité profonde d’un accusé? Là, l’outil est clairement mis en cause. La plupart des informations que nous avons passent par l’informatique, rares sont ceux qui se déplacent, se documentent, vont voir “en vrai” qui est quoi où pourquoi comment… Pour conclure, Internet a mené à une dé-personnalisation de l’information. Avant, l’information prenait sa valeur dans celui qui la disait, valeur de ce dernier acquise par ses actions concrète précédentes, sa réputation, son implication dans la cité. Bien que créditée de nos jours, l’information est en elle même un objet mental fugitif, démultiplié, transformé, repris, manipulé. Et les hackers, dans leur mode de vie et de pensée, sont à l’extrême de cette constatation. Ils remettent la vérité au goût du jour, et la vérification des données en perspective. Conscients que la personnalité de chacun lui est propre et impénétrable, ils mettent en lumière que ses actes se doivent d’être responsables. A l’opposé de cette “philosophie digitale”, sont les utilisateurs lambda, pour qui l’anonymat tout autant que l’envie d’exister différemment sont autant de pièges à l’entrée dans les réseaux sociaux et la présence numérique. Indispensable garde-fou pour qui fait son chemin dans le monde d’Internet, il faut cependant du temps et de l’expérience avant de rentrer en contact avec eux et comprendre leurs actes et motivations, aujourd’hui vulgarisés par le concept “Anonymous”. Et comme dans beaucoup de mouvements de pensée approfondis, les plus impliqués sont raisonnés et respectueux des autres.
Cool! I dont speak French, but cool! 😀
Il y a deux points sur les quels je vais devoir insister, car il s’agit d’affirmations fausses
Contrairement à ce qu’indique l’article
– Internet (et par conséquent le Web) ne permet PAS l’anonymat, il permet le pseudonymat, il y a une énorme différence entre les deux
On peut approcher l’anonymat, sans toute fois atteindre le niveau absolu de l’anonymat, et approcher un niveau décent d’anonymat n’est pas à la porte de beaucoup de monde, il suffit pas d’utiliser certains outils aveuglément sans comprendre leurs fonctionnement ni leurs limites et agir en conséquences
De même que l’affirmation suivante est fausse :
“Sur internet, contrairement à la vie de village, il est difficile d’espionner son voisin”
La majorité des internautes ne respecte même pas les règles de sécurité les plus basiques et déballe publiquement et aveuglément pleins de données personnelles, sur les sites Minitel 2.0
Dans les faits, espionner les gens sur Internet est plus discret, du moins quand la victime est “monsieur tout le monde”, et non pas quelqu’un qui connaît les risques et sait se protéger et sait piéger ses espions… un autre hacker en l’occurrence (si on emploi ce terme dans le contexte de la sécurité informatique)
Si les hackers sont moins intrusifs, c’est plus par éthique et parce qu’ils accordent une énorme importance au droit à la vie privée (pour diverses raisons, que je vais pas expliquer, pour alléger mon commentaire)
Les hackers sont les premiers à gueuler contre la surveillance de masse aussi bien marketing que étatique, or les deux se servent énormément d’Internet pour mener la dite surveillance
Plusieurs années avant l’affaire Snowden, avant la démocratisation du web (Internet est loin d’être démocratisé, pour preuve, les gens pensent que le web, c’est Internet… ), les hackers dénonçaient les dérives Orwelliennes mais on préféré les qualifier de “paranos” et de “cybercriminels” à coup de “Moi j’ai rien cacher, je suis pas un terroriste”
Parmi les scandales touchant à surveillance des télécommunications (Internet et téléphonie) par des états et par des entreprises, on peut citer l’affaire Clipper chip, la dénonciation de l’opacité du logiciel privateur, l’arrivée de PGP et la réactions de certains gouvernements, la déclaration d’indépendance du cyberespace, l’affaire NSA Key, le scandale Trusted Computing et les DRM de façon générale, l’affaire des certificats SSL Microsoft/Tunisie, l’usage aveugle du Deep Packet Inspection, l’affaire Skype/AFP en Syrie, l’affaire Amesys/Qosmos… la liste est longue
Ces scandales sont la preuve que l’espionnage sur Internet n’est pas plus difficile que IRL, et les réactions à ces dénonciations montrent à quel point les gens ne sont pas conscients des risques, ce qui rend cette surveillance d’autant plus facile
Alors certes, le gus dans son garage n’a pas les mêmes moyens qu’une multinationale ou une agence gouvernementale orwelliennes, mais de tels moyens ne sont utilisées que dans le cadre de la surveillance massive, le gus dont son garage à les moyens de faire de l’espionnage ciblé s’il le voulait…
“Il faut cependant du temps et de l’expérience avant de rentrer en contact avec eux et comprendre leurs actes et motivations, aujourd’hui vulgarisés par le concept « Anonymous » ”
– Anonymous n’est PAS un mouvement hacker, ni une forme vulgarisée dudit mouvement, c’est un mouvement activiste
Les gens se présentant comme des “hackers Anonymous” sont minoritaires et utilisent une méthode (les attaques DDOS) bien loin du hacking
L’outil utilisé par Anonymous pour mener des attaques DDOS ne nécessite aucune compétence technique (contrairement au hacking dans sa définition technique, c’est à dire la bidouille), et le principe même d’attaques DDOS est contraire à l’éthique Hacker (libre accès à l’information, or les attaques DDOS sont une forme de censure, certes temporaire mais censure quand même)
Se baser dessus pour essayer de comprendre le mouvement hacker est une fausse bonne idée
Tout d’abord Davenull, merci pour ton commentaire très complet. Je te suis sur de nombreux points.
En premier lieu, cet article date d’il y a trois ans maintenant. Bien sûr que la sécurité n’a que peu changé du côté de l’utilisateur, mais entre temps, la banalisation des phénomènes de leaking volontaire, essentiellement via Facebook et le micro blogging s’est largement répandu. S’est non seulement répandu, mais a été sujet de nombreuses mises en questions et démonstrations. L’affirmation donc de l’anonymat sur Internet n’est absolument plus de rigueur, surtout si l’on se pose du côté des spécialistes des réseaux comme tu sembles l’être. A titre d’exemple : http://youtu.be/YwqjC6T4tD8
A ce niveau, mon affirmation était à la fois philosophique et métaphorique : je le remet dans le contexte de ma phrase “Avatars, personnalités fictives, quotidien rêvé, l’outil web permet l’anonymat”. Il est évident qu’à discuter ce point, les avatars ou personnalités fictives peuvent aussi être considérés comme des “vrais aspects des gens”, tout est contestable. Je souhaitais en fait éclairer les “idées” que “l’utilisateur de base” a au sujet du web.
Pour les Anonymous, là pareil, j’ai parlé de “vulgarisation”, et je me place aussi du côté du grand public. Je donne des cours d’informatique et de multimédia, j’ai un aperçu de ce que “les gens pensent”, et je t’assure que pour une grande partie pensent que les Anonymous sont des hackers, et inversement. C’est le mot, l’idée, le concept, qui a été associé à ce phénomène.
A ce sujet, et j’y travaille activement, la formation sur l’outil Internet est un défi de taille. Tous les jours je rencontre des gens qui l’utilisent au quotidien et ne savent ni ce qu’est une URL, ni un clic droit, ni un drag drop… bref je te fais grâce des détails. Et le pire que je constate en ce moment, est que le personnel encadrant les enfants et les jeunes pour les mener à l’usage de l’ordinateur non plus n’y connait généralement rien!
Si nous ne travaillons pas tous ensemble à rectifier le tir, comme tu l’explique pour le web et internet (sous entendu l’existence et les modalités du deep web je suppose), le fossé va continuer à se creuser. Je commence tous mes cours par une introduction au réseau : adresse IP, DNS et serveurs. Jusqu’à maintenant, 100% des personnes n’avaient aucune idée que ce qui s’affiche sur leur écran est envoyé par un autre ordinateur dans le monde, allumé, via une chaine de connections. Je te laisse imaginer l’état des connaissances sur le sujet pour les gens qui n’ont pas eu de formation adéquate.
Pour transmettre efficacement, il faut anticiper l’idée que l’autre se fait de l’outil. C’est ce que j’ai essayé de faire dans cet article, exercice qui peut paraitre maladroit, je le conçois, pour un spécialiste comme toi.
Au plaisir d’en rediscuter.
Mina.