Après des années à parcourir le web comme un jardin d’Éden miraculeux, après avoir assisté à l’élaboration des premiers sites français, à l’épanouissement des LANS parties, à celle des blogs, des réseaux sociaux, du micro-blogging, du streaming, du peer-to-peer, et autres pratiques désormais traditionnelles pour toute personne s’approchant un peu de notre sphère commutée favorite, soudain,
je me réveille.
2032, les yeux encore fatigués par ma nuit, les geste tâtonnants pour trouver du sucre à mettre dans mon café, par habitude je double clique sur le bureau de mon ordinateur et je me penche sur la Sphère. Je consulte Wikipedia, ma boîte mail, quelques sites d’information, et je me souviens avec nostalgie de l’époque où Internet était tellement présent dans ma vie.
Ma fille, qui va désormais avoir 24 ans, passe devant moi et souffle d’un air désespéré, met sa main sur mon épaule.
Et c’est repartit…
Puis j’arrête ma phrase en plein milieu. Oui, je me souviens tout à fait des quelques belles années d’internet, lorsque tout était frais et magique, où nous défrichions ces terres inconnues avec l’espoir d’un avenir meilleur. Je me souviens aussi lorsque j’étais adolescente, de l’avènement des radios libres, celles que l’on écoutait sous la couette avec le sourire, avec l’impression de faire une grosse bêtise. Je me souviens même avoir téléphoné pour passer à l’antenne, tremblant d’émotion parce que j’avais le sentiment d’être entendue par la Terre entière. Je me souviens avoir monté ma propre radio pirate, avoir été animatrice sur des antennes locales, et même avoir regardé la télévision pendant la première partie de ma vie. Je me souviens de mes premiers blogs comme de mes premiers fanzines, de mes premières cassettes, de mes premiers CD gravés…
Ma fille elle, ne connaît de tout cela que ce que je savais de la photographie en noir et blanc à son âge : elle sait que cela a existé parce qu’elle l’a appris à l’école.
C‘est dur à admettre, mais je crois bien qu’Internet est en train de mourir. Peut-être pas le réseau en lui même, mais tout simplement ce qu’on en a connu, toi qui lit ce texte, moi qui l’écris, et qui sommes certainement de la même génération à peu de choses près.
Est-il vraiment besoin d’épiloguer sur cet épisode? Je ne crois pas, on arrive au bout du raisonnement.
J’ai déjà commencé à regarder tout cela d’un autre œil, à m’en détacher.
Finalement, ce blog sera exactement ce que je voulais qu’il devienne, depuis le début : un témoignage d’une époque.
Lorsque j’ai commencé à écrire ici, je me suis dit “On vit un truc incroyable, il faut que j’en parle!”.
Puis j’ai passé la phase “Finalement, je ne dis rien d’original, tout le monde en parle désormais, j’ai au moins cette petite fierté personnelle d’avoir été un peu précurseur dans le domaine”
Ensuite cela a été “Ahlalala, ça devient ridicule, tout plein de monde le fait, et beaucoup mieux que moi”
Aujourd’hui, j’ai cette sorte de sentiment que tout est en train de se terminer, bizarrement. En fait, cela suit exactement la courbe d’une fin, mais je n’arrive pas à trouver le terme exact en français : internet “fade away”…
Petit à petit, nos espaces se réduisent comme une peau de chagrin, pris en étau entre les interdictions et les imposés, figure de style de plus en plus pénible, et fauchant sur son passage le plaisir à la fois novateur, mais oserais-je dire aussi “interdit”, ou désormais “pirate”, que nous accordait l’usage de ce réseau merveilleux.
Je ne suis ni blasée, ni résignée, les nouvelles technologies me passionnent et je continuerais à les étudier, et à en regarder les usages de près. Mais il faut bien l’admettre : c’était MIEUX AVANT!