Chapitre 4
L’histoire éternelle du cycle de la vie
“- Tu es sûre de ne pas vouloir rester dormir ici ? insista encore Orsalne.
– Non. C’est gentil maman mais, j’ai plein de choses à faire avant le lever du soleil. Demain c’est jour de marché et je dois équiper le chariot, nous partons tôt pour Jordheim et notre échoppe là-bas est vide…
– Bien… le silence, troublé par les chants des engoulevents, laissait Orsalne songeuse : Je passerai peut-être dans la journée voir Islidnna, j’ai besoin d’une nouvelle tunique, la mienne est vraiment usée…
– Oui, ça lui fera plaisir de te voir. Bon, je dois vraiment y aller sinon Brynhild va encore ronchonner, s’amusa Psylvien.
– Va ma fille, et prudence, répondit Orsalne avec un sombre sentiment.
Psylvien scella sa monture et fila à travers la nuit vers la demeure des Vierges de Wotan à Hugginfel. Des larmes brouillaient sa vision, mais elle avait décidé d’être forte.
Arrivée à Dvalin, elle se rendit compte que le soleil se lèverait d’ici 1 à 2 heures , le temps allait manquer.
Un des gardes d’Hugginfell la salua alors qu’elle rentrait son cheval dans l’étable, elle en profita pour regarder si le chariot avait bien été chargé pour le lendemain.
Tout avait l’air en place.
Elle avait donc menti à sa mère…
Araushnee et Symphonie étaient assises de chaque côté de la porte d’entrée massive, en transe face aux runes étalées devant elles, dressant la barrière spirituelle protectrice ne permettant qu’aux Vierges de Wotan l’accès à leur demeure une fois la nuit tombée. Cette même transe qu’Islidnna leur avait apprise à toutes et pour laquelle elles se relayaient chaque soir, à tour de rôle, dignes gardiennes d’Odin.
Un rapide tour dans la salle principale, puis elle se dirigea vers sa chambre.
Elle ouvrit un recueil sur l’art étrange de la guérison et en sortit une lettre qu’elle coinça dans sa ceinture, se saisit d’une cape rouge et de sa statuette, regarda une dernière fois ce lieu, seul havre de paix ici bas, et referma la porte.
Elle passa discrètement dans chaque chambre, déposant un baiser ému sur le front de chacune de ses sœurs…
Enfin, la porte de la chambre d’Islidnna se dressait devant elle, un instant d’hésitation, puis, respirant profondément, elle l’ouvrit discrètement et entra.
La Vitki s’était endormie sur son vieux fauteuil préféré, un livre précieux lui couvrant la moitié du visage mais, elle senti la présence de Psylvien et se réveilla.
– Par Odin, Islidnna se redressa, il est déjà l’heure Psylvien ?
– Oui, je crois que c’est bientôt le moment… tu pourras prévenir Neraia et Vynnea ? Elles sont avec leurs époux dans leurs demeures respectives, et quand elles viendront ici demain, je serai partie et embrasse Psylviann pour moi et…
– Calme-toi Psyl… tu sais, il ne faut pas craindre ce moment… il arrive un peu vite, c’est vrai, mais c’est la volonté d’Odin et ce n’est qu’un au revoir, pas un adieu… nous sommes une famille chanceuse car peu importe l’endroit, peu importe le temps nous nous retrouverons toujours…
Psylvien serra très fort la petite femme dans ses bras, ne pouvant contenir une larme qui coula sur sa joue avec une douleur si vive qu’elle sentait son âme se déchirer mais, encore une fois, elle avait promis qu’elle serait forte et se calma…
– Tu pourras donner cette lettre à ma mère ? Je ne lui ai rien dit, je pense que je ne l’aurai pas supporté… Elle a dit qu’elle passerait te voir à l’échoppe demain pour une tunique…
– Ne t’inquiète pas, je le ferai mais… tu sais, une mère a des liens très forts avec son enfant, elle se doute que le moment est venu, elle sait que c’est la destinée des filles d’Odin…
Allez, il est temps, va Psylvien, va rencontrer ton destin, sois forte de notre expérience commune et si cela peut te rendre le cœur plus léger, j’ai vu dans les runes que d’autres sœurs vont te rejoindre d’ici peu… je pense que notre mission en Midgard touche à sa fin…
Va, ne te retourne pas et guette la première lueur de l’aube…
Psylvien sortit de la chambre, entendit la porte se refermer doucement et se rendit dans la grande salle.
Elle jeta un dernier coup d’oeil sur la peinture qu’elle avait fait de Brynhild et Aeli puis, se dévêtit et posa ses vêtements bien pliés sur le banc qu’elle occupait toujours lors du repas, elle prit la cape brodée qu’elle avait sur le dos, la posa sur ses vêtements en mettant bien en évidence le blason des Vierges de Wotan…
Elle s’emmitoufla dans la large cape rouge qu’elle avait pris dans sa chambre, pris sa statuette et se dirigea vers la porte qu’elle ouvrit discrètement. Elle hyptonisa ses deux sœurs, gardiennes de l’entrée Il leur était ainsi impossible de la retenir ; elle leur embrassa à elles aussi le front, descendit le capuchon de sa cape sur son visage et se mit en chemin…
Elle traversa le village, lançant des sorts d’amnésie aux curieux et rejoignit la forêt. Elle devait faire vite pour regagner Raumarik avant le lever du soleil…
Elle marcha, grimpa, ignorant les douleurs que le dur terrain infligeait à ses pieds nus et enfin atteint Raumarik.
Elle monta au point culminant de la plus haute montagne, comme Islidnna lui avait dit de faire, en remerciant Eir de lui permettre de se déplacer rapidement, et trouva un petit lac…
Des Lueurs rouges annonçaient la venue prochaine de l’astre de lumière…
Psylvien suivit encore une fois les indications de la Vitki et se mit en prière en entrant doucement dans le lac, serrant contre elle sa statuette de Valkyrie.
Contrairement à ce qu’elle avait redouté, l’eau était d’une douce tiédeur contre son corps nu.
C’était une sensation très agréable, comme si un père venait de l’envelopper dans un linge et la protégeait de ses bras vigoureux et chaleureux.
Psylvien enleva le capuchon de son visage et regarda le soleil se lever…
Sa cape se mit soudain à bouger comme mue par un vent chaud et se métamorphosa en une magnifique paire d’ailes dont les plumes d’un rouge vif contrastaient avec la blancheur laiteuse de la peau de la jeune femme.
Psylvien, comme attirée, avançait dans l’eau, vers le premier rayon de soleil, un sourire radieux illuminait son visage, elle n’était déjà plus parmi nous…
Un rayon doré baignait le corps de la Vierge de Wotan qui s’éleva doucement dans les airs, tenant à bout de bras devant elle la statuette à son effigie qui se désintégra…
Dans l’immensité du voile bleu pâle et rose que formait le ciel à cette heure matinale, la guérisseuse eu une pensée pour tous les amis qu’elle laissait, tous les fous rires, les coups durs, les bons moments, les combats et tout ce qu’ils avaient vécu ensemble… Elle fit le tour du royaume, de la majesté de Jordheim aux lueurs inquiétantes de Muspelheim, de la forge de Gna Faste à la maison des Vierges de Wotan à Hugginfel, en passant par celle de sa mère, elle n’oublierait jamais rien ni personne…
Une immense chaleur bienfaisante l’entourait … elle en envoya un peu à chaque personne chère à son cœur… s’éleva bien au-delà de la voûte céleste et vit au loin, dans ce qui ne pouvait être que le Valhalla, ses deux pères, Wotan et Phorgen qui lui tendaient les bras…
« Quand le coeur des hommes sera corrompu au point de ne plus pouvoir faire la différence entre le bien et le mal, à ce moment là, Wotan enverra ses filles faire le choix des valeureux. Elles seront descendantes des légendaires Valkyries mais mortelles. Elles seront justes et aimantes mais aussi redoutables et farouches. Parfois éphémères, parfois centenaires, elles pourront être rappelées à tout moment si le besoin de leur présence se fait sentir en un autre lieu ou un autre temps…
Si vous croisez leur chemin aimez-les mais soyez conscients du triste destin des Vierges de Wotan…”