Comme vous l’avez constaté, je publie depuis cette année un podcast vidéo traitant des cybercultures : “Mix Media Hyper Culture“. Le sujet est vaste et pourtant compliqué à expliquer, le fruit d’années d’études et d’expérimentation dans le domaine, que je souhaite partager, mais aussi et surtout articuler en thèmes, objet de ce podcast dont chaque épisode est dédié à un point particulier de notre génération cybernétique.
Origines
Née dans les années 80, je suis enfant prise en contradiction entre les valeurs “racines” prônées par la génération Mai 68 et les rêves suscités par les anticipations science-fictionesques de nos parents. Tandis qu’éduquée à renfort de messages écologiques, on me montre un avenir rayonnant de nouvelles technologies. Alors que j’apprends à naviguer dans une réalité de plus en plus diabolisée (violence, racisme, montée des extrémismes, mondialisation dévorante), le spectre des virtualités m’accapare et l’objet informatisé à la portée de mes mains ouvre de nouvelles notions, si ce n’est contradictoires, en tout cas refuge pour l’être grandissant que je suis.
Très vite je me passionne pour les machines, ces communicants merveilleux, images d’une magie moderne retrouvée, avec une conscience profonde des effets entremêlés que le web et les TIC me font vivre. Profondément nostalgique d’un passé ritualisé et tribal que je n’ai jamais connu, les réalités virtuelles me permettent de (re)nouer avec une communauté, des projections mentales communes et universelles, d’inventer un présent positiviste en totale opposition avec l’alarmisme quotidien des mass médias. J’en déduis aussi assez vite que la peur véhiculée par les moyens de communications traditionnels est une entrave à ma liberté. Que je peux non seulement inventer, mais aussi vivre et partager ma vision du monde, largement relayée et entretenue par un nombre grandissant d’internautes avides, eux aussi, de pensées positives. Dès lors, mes expériences de vie seront guidées par cette révélation, qu’elles soient tangibles, ou, comme il est dit “virtuelles” (bien que ce terme reste encore selon moi sujet à débat).
Génèse
Électricité, robots, mécanismes, suscitent ma curiosité et motivent mon imagination. En binôme avec mon frère, nous nous mettons très tôt à inventer des machines improbables, et l’informatique devient notre terrain de jeu favori. De tableau lumineux et articulés, nous passons à la programmation de robots maison, de radio pirate nous passons à nos propres réseaux WIFI, créateurs d’images dans notre atelier, nous sommes bientôt sur les plus grandes scènes parisiennes pour mixer en direct nos créations, accompagnés de nos ordinateurs et contrôleurs MIDI, fascinés de partager notre passion avec des DJs, des organisateurs, mais aussi un public.
Cependant, et depuis des années, malgré l’émergence d’une communauté de sens au long des termes “nerds” ou “geeks”, nous nous sentons peu compris. Installations de réalités virtuelles (médiathèques, théâtres, clubbing), conférences sur nos activités (Japan Expo, Cube d’Issy Les Moulineaux), participation à de nombreux ateliers (Pas Sage en Seine Hacking Space entre autres)… Si le contenu de notre démarche se démocratise, le “comment” ou le “pourquoi” sont très rarement explorés.
Un lien des entre nos origines et nos activités qui m’a interpellée est dans le livre “Chaos et Cybercultures” de Timothy Leary. Y est fait le parallèle entre la prise de psychotropes et l’usage des réalités virtuelles. Bien que n’étant pas consommatrice, j’ai toujours été intéressée par l’ouverture des capacités sensorielles proposées par les substances hallucinogènes. J’ai d’ailleurs étudié le chamanisme celte et africain, et les nombreux rituels avoisinants (méditation, yoga, et autres formes de créativité de l’âme). Dans cette métaphore, j’analyse la perte de nos racines ancestrales et nos liens à nos êtres profonds, fortement liée à la société “moderne” dans laquelle nous vivons. Et selon moi, les TIC y sont un palliatif. La discussion à travers le monde entier avec de nombreuses autres personnes n’est-elle pas une sorte de télépathie? Les jeux en réseau un voyage “astral” collectif? La création numérique sous toutes ses formes, une projection onirique?
Vu d’un œil extérieur, toutes ces technologies sont une magie moderne.
Point de vue
Mon imaginaire me guide au long de mes expériences et me permet d’apprécier les choses d’un point de vue particulier, décalé et créatif. Chaque événement est l’occasion pour moi d’apprendre, d’apprécier, et de découvrir de nouvelles facettes de notre réalité. Au long des nombreuses années à m’immerger dans les cybercultures, je me suis rarement posé de question sur ce que je faisais et pourquoi. Est venu le temps où j’ai cherché à rencontrer d’autres personnes comme moi, ayant vécu le même genre d’expériences, afin d’en parler et échanger nos sentiments quand à ces réalités dites “virtuelles” ou encore “digitales”. Tout naturellement, ayant autour de moi peu de gens comprenant ma démarche, j’ai cherché des études existantes sur ce comportement, et des sources d’informations. Après tout, chaque communauté a ses concitoyens et modes d’informations en commun.
Première source d’information: le contenu des émissions (vidéo, magazines ou audio) “geek”, ou “nerd”. Dans ce genre de contexte, je n’ai trouvé que des dérivés d’information. J’entends par là que je sais ce que nous aimons (les comics, les mangas, la science fiction, le style fantasy, ou encore le steam punk, etc…), les gens qui agissent dans la communauté, le type de films que nous regardons. Mais quasiment aucune analyse comportementale. Pourquoi, depuis quand, qu’est-ce que cela change dans notre comportement quotidien? Quid, par exemple, de la lecture transversale que l’hypertexte nous propose, et du nouvel agencement des informations dans notre cerveau?
Deuxième source d’information: les analyse socio-psychologique. Quelques articles et interviews très intéressants dans Psychologies magazine ou Sciences Humaines (régulièrement, mais cela désigne souvent la “jeune” génération), peu de choses sur les cybernautes. La mouvance “post humanité” étant encore la plus avancée dans ce domaine, bien qu’extrêmement pointue et surtout, très loin des réalités objectives de notre générations (il est passionnant de parler d’implants informatiques sous cutanés ou encore de membres robotisés, mais nous n’en sommes pour la plupart pas encore là). Très vite en approfondissant, on s’hyper-spécialise à la limite du contemporain pour frôler la science fiction, tels les recherches de La Spirale (e-zine pour les mutants digitaux), ou le freak déjanté, comme pour La Maison du Chaos, qui explore les confins de nos relations – pour la plupart métaphoriques- aux nouvelles technologies.
Troisième source d’information: les études dédiées. De livres en livres, de conférences en recherches, force est de constater que d’une part, les rédacteurs/penseurs de ces théories sont en dehors du mouvement et donc ne l’expérimentent pas eux mêmes, d’autre part, que ces études sont souvent réalisées à la demande d’entreprises afin de cerner des types de consommateurs potentiels, ce qui, à mon avis, biaise le contenu et les éventuels résultats.
Axes de réflexion
– Genre et nouvelles technologies
– Quotidien et expérimentations récurrentes (par opposition à la recherche scientifique, artistique ou expérimentale)
– Sentiments liés à l’usage
– Créativité et projections métaphoriques en rapport avec d’autres domaines prospectifs (littérature, philosophie, sociologie, etc…)
Document de travail
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